Fistule ou pas fistule ?

Description de l’EIAS :
Homme de 49 ans (1m77 pour 85 Kg) porteur d’un carcinome pulmonaire du lobe supérieur droit pour lequel est réalisé une lobectomie vidéo avec curage radical.
Le patient est considéré comme ASA 3 en raison d’un emphysème radiologique mais avec une fonction respiratoire encore sub-normale.
A J5, soit le samedi suivant, apparait un discret emphysème cervical qui n’inquiète ni le
personnel paramédical ni le médecin de garde.
Le dimanche, lors de la visite du chirurgien, celui-ci trouve un patient avec un volumineux emphysème fermant les paupières mais sans retentissement respiratoire. Un cliché du thorax montre un pneumo médiastin sans signe évident de pneumothorax et notamment pas de niveau liquide au niveau la plèvre.
Devant l’absence de signe de surinfection bronchique (expectoration, dyspnée et fièvre) et l’aspect rassurant du patient, décision est prise de ne pas faire de fibroscopie bronchique en urgence et de ne réopérer le patient que le lundi matin.
A J7, par la même voie d’abord mini invasive, le chirurgien découvre une plèvre pariétale libre avec quelques accolements lâches mais sans fuite aérienne.
Par contre au niveau médiastinal, il existe une petite fuite à l’origine de la rangée d’agrafes sur la petite scissure. Qui plus est, la fuite semble s’être canalisée vers le médiastin en remontant dans la loge de Barety dont la plèvre médiastinale n’a pas été ouverte. En effet le chirurgien a l’habitude de réaliser ce curage en passant simplement sous la crosse de l’azygos.
Après une aérostase classique, la plèvre médiastinale est largement ouverte et le thorax refermé sur un drainage habituel.
Dès lors les suites ont été très simples et le patient n’a pas eu de conséquences de cette double intervention.


Commentaires :
A la lecture de cet évènement, on constate qu’il est survenu dans une période « vulnérable » (fin de semaine), avec une manifestation plutôt atypique faisant plus penser à une fistule bronchique qu’à une fuite aérienne parenchymateuse secondaire.

Plusieurs questions peuvent alors se poser :

1- Concernant la conduite à tenir en dehors d’une période vulnérable :
Un pneumo médiastin survenant à J5 d’une lobectomie sans pneumothorax évoque au premier chef, la survenue d’un lâchage de la suture bronchique. Il est probable qu’un scanner aurait été pratiqué permettant de mieux voir la plèvre et peut être l’absence de fistule bronchique. Au moindre doute, une fibroscopie bronchique aurait pu être indiquée.
Le chirurgien explique qu’il avait opté « … plus pour un problème d’aérostase chirurgicale que celui d’une fistule bronchique car la petite scissure était absente et qu’il avait été obligé de donner des coups d’agrafeuse en plein parenchyme. » De plus l’état du patient était vraiment très rassurant en dehors de l’impressionnant emphysème sous cutané facial (le dimanche soir).
A posteriori, force est de constaté que le chirurgien a évité scanner et fibroscopie au patient sur la foi de sa conviction que le diagnostic le plus probable était une fuite parenchymateuse et ceci sans conséquence négative pour le patient.

2- Concernant la technique personnelle de curage de la loge de Barety : le chirurgien explique qu’opérant en privé, il ne bénéficie que d’un aide opératoire qui est aussi l’instrumentiste. Aussi, il est plus facile pour lui « de faire le curage en passant sous l’azygos tandis que l’aide soulève la plèvre médiastinale comme une tente sans que le poumon ne vienne gêner le geste. » N’ayant eu aucune complication avec cette technique, « il ne voyait pas jusque-là l’intérêt d’ouvrir la plèvre médiastinale. »


3- Quelles conséquences cet EIAS a-t-il eu sur la pratique chirurgicale du chirurgien ?
Celui-ci signale que depuis, « il ouvre systématiquement la plèvre médiastinale en regard de la loge de Barety en fin d’intervention. »
Au total, nous pouvons retenir plusieurs leçons de cet EIAS original :

(Date de dernière mise à jour : le 24/11/2022)

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